Life Below Water
Imagine a submerged plume of oil four times as high as the Empire State Building. Beginning at the seafloor, it thunders out of a shattered eighteen-inch pipe with so much force that the sediments seem to sway.
Less dense than seawater, the oil billows upward, black and buoyant. At this depth, a mile below the surface, there is no light so the oil is unseen—a murderous presence within an everlasting darkness. As it rises, it swells into thunderheads, roiling clouds and ragged columns. Smaller tendrils break away from the main plume and drift sideways in the currents. Some of these shaggy, stunted curls remain suspended and never reach the surface.
After rising more than four thousand feet, the widening plume slithers into the lower layers of the sunlit zone. Slow-moving currents shear it into shattered smoke and upward-streaming strands. For many kilometres in every direction, seawater is shot through with black threads, small droplets, and greasy vapours. When at last the oil reaches the surface, there are places where the smell of swamp rot and sulphur make people sick.
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In the pilothouses of the drill rigs and support ships floating over the plume, the mantra is control: control of the blowout preventer, control of the top hat, control of the relief wells, control of the submersible robots with their five-function arms, control of the oil streaming up from the seabed. Yet the asymmetrical slicks and sheens running out to the horizon confirm how out of control things really are.
Those on the vessels are deckhands, drillers, engineers, technical experts, and oil response crews. They come from coastal towns along the shore. They’ve been working around the clock ever since the high-pressure pocket of natural gas blew past the blowout preventer, roared up the riser, enveloped the drill rig, and burst into fiery orange flames that wouldn’t quit until the rig disappeared beneath the surface. The city-block-sized structure, with its enormous steel tower that sent drill pipe seven miles down into the Earth’s crust, now lies silently on the seafloor at a strange angle.
After rising more
than four thousand
feet, the widening
plume slithers into
the lower layers of
the sunlit zone.
The deep waters beneath the drill rigs and support ships are a place of death and mystery. They hold the people burned beyond recognition when the rig blew up. They hold the soot-black remains of a billion-dollar drilling platform. They hide the hideous maw of a runaway oil well. For sharks, whales, and thousands of other species, they’re a place of incalculable carnage.
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The seafloor here is a wild run of sediment-covered plains, erratic hills, steep ravines, and abrupt valleys. For more than a month, the ever-enlarging oil plume has been drifting across this unseen realm, enveloping the larvae and newborn of snapper, dolphin, lobster, billfish, and bluefin tuna. The prodigy of death and mutilations in young and mature animals includes eye wounds, mouth wounds, gill wounds, stomach wounds, gelatinous-tissue wounds, and oxygen-deprived metabolisms.
The cell-swarm of killing continues right up to the surface, where phytoplankton—the lungs of the planet—are savaged by the violence of the oil and the chemicals used to disperse it. Trillions upon trillions upon trillions of dead diatoms and dinoflagellates rain down through the filthy procession of upward-moving oil. In deep water, they merge with uncounted corpses of copepods and, in deeper water still, the lifeless remnants of big fish, small fish, turtles, and invertebrates. The deluge of mega-death continues until the remains come to rest on the gaunt floor of the ocean.
Joe MacInnis, CM is a physician, undersea explorer, storyteller, and author. He spent the early years of his career providing medical support for commercial divers working on oil platforms and pipelines in the Gulf of Mexico. He has dived to 4,000 metres in research subs in the Atlantic and Pacific Oceans.
Vie aquatique
Imaginez une traînée de pétrole sous-marine équivalant à quatre fois la hauteur de l’Empire State Building. Du plancher de la mer, elle jaillit de la brèche d’un tuyau de quarante-six centimètres de diamètre avec une telle impulsion que les sédiments semblent osciller.
Moins dense que l’eau de mer, le pétrole noir tourbillonne en flottant vers le haut. À cette profondeur, 1 600 mètres sous la surface, il n’y a pas de lumière; le pétrole est donc invisible — une menace meurtrière tapie dans une obscurité permanente. À mesure qu’il monte, le panache se gonfle en volutes, formant des nuages virevoltants, effilochés. De minces mèches s’en détachent et dérivent latéralement au gré des courants. Une partie de ces courts filaments hirsutes reste en suspens et n’atteindra jamais la surface.
À quelque 1 220 mètres du fond, la traînée qui s’élargit encore glisse vers les parties inférieures de la zone qui reçoit la lumière du soleil. Des courants faibles la dispersent en fumée désintégrée et en mèches ascendantes. Sur de nombreux kilomètres, dans toutes les directions, la mer est traversée par des fils noirs, des gouttelettes et des vapeurs grasses. Lorsque le pétrole arrive enfin à la surface, à certains endroits, l’odeur de pourriture marécageuse et de soufre donne la nausée.
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Dans les timoneries des plateformes de forage et des navires de soutien qui flottent au-dessus du panache, le mot d’ordre est « contrôle » : contrôle du bloc obturateur, contrôle du dôme, contrôle des puits de secours, contrôle des robots submersibles et de leurs bras à cinq fonctions, contrôle de la traînée de pétrole qui monte du fond marin. Pourtant, la nappe asymétrique qui s’étend à l’horizon confirme que la situation est bel et bien hors de contrôle.
Le personnel des bâtiments comprend des matelots de pont, foreurs, ingénieurs, experts techniques et spécialistes des interventions en cas de déversements d’hydrocarbures. Tous proviennent des villes et villages qui longent le littoral. Ils travaillaient sans relâche depuis que la poche de gaz naturel sous haute pression a fait éclater le bloc obturateur de puits, libérant le pétrole de la colonne montante, puis a enveloppé la plateforme de forage et a explosé en furieuses flammes orangées qui n’ont disparu que lorsque la plateforme a sombré. La structure de la taille d’un pâté de maisons et son énorme tour d’acier de laquelle la tige de forage descendait à 11 kilomètres pour percer la croûte terrestre reposent maintenant silencieusement sur le fond marin, dans un angle étrange.
Les eaux profondes sous les plateformes de forage et les navires de soutien sont des lieux de mort et de mystère. Elles sont le tombeau de ces travailleurs qui ont brûlé au point d’être méconnaissables quand la plateforme a explosé. Elles contiennent les restes noirs de suie d’une structure de forage d’un milliard de dollars. Elles dissimulent les vestiges hideux d’un puits de pétrole hors de contrôle. En ce qui concerne les requins, les baleines et des milliers d’autres espèces, elles sont le lieu d’un carnage incommensurable.
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Ici, les fonds marins sont une étendue sauvage de plaines jonchées de sédiments, de collines erratiques, de ravins escarpés et de vallées abruptes. Pendant plus d’un mois, le panache de pétrole, sans cesse croissant, a dérivé dans cet univers invisible, enveloppant les larves et les petits du vivaneau, du dauphin, du homard, du marlin et du thon rouge. Des blessures aux yeux, à la bouche, aux branchies, à l’estomac et aux tissus gélatineux, ainsi que des métabolismes privés d’oxygène, entre autres, ont été observés chez les espèces jeunes et adultes, mortes et mutilées.
À quelque 1 220
mètres du fond,
la traînée qui s’élargit
encore glisse vers les
parties inférieures
de la zone qui reçoit
la lumière du soleil.
Cette tuerie massive continue de faire des victimes jusqu’à la surface, où le phytoplancton — le poumon de la planète — est menacé par le pétrole et les produits chimiques puissants qui sont utilisés pour le disperser. Des milliers de milliards de diatomées et de dinoflagellés morts s’en vont par le fond à travers le panache de pétrole qui monte vers la surface. En eaux profondes, ils se fusionnent aux innombrables cadavres de copépodes, et aux carcasses sans vie de gros et petits poissons, de tortues et d’invertébrés en eaux encore plus profondes. La chute funeste se poursuit jusqu’à ce que les restes viennent se poser sur le plancher austère de l’océan.